“ (…) La production de Juliette Liautaud est une sorte de magie sombre et douce, elle convoque les astres (la puissance du soleil, l’énergie de la lune), les saisons, les solstices et les éclipses, et s’accorde aux temps des cycles naturels. La musique que l’artiste compose participe à la construction de cet univers tellurique. Elle s’écrit comme ses séries de photographies ou ses films, par bribes, par captations, par associations, et souligne cette attention particulière pour
ce qui existe au-delà du visible.”
Guillaume Mansart
DOCUMENTS D’ARTISTES PACA
Dossier en ligneJuliette Liautaud
est née en 1987
elle vit et travaille
à Marseille
et parfois ailleurs
BIO
Après des études de littérature et d’arts à Paris et à Nice (Villa Arson) et une année de photographie en République Tchèque, elle co-fonde le
collectif Stereoeditions
Elle développe une recherche à la croisée de la photographie du film
et de la musique
Elle fait voyager ses images, films et sons à travers projections, exposition collectives et résidences d'artistes, en France et ailleurscollectif Stereoeditions
Elle développe une recherche à la croisée de la photographie du film
et de la musique
Elle travaille régulièrement avec d'autres artistes en musique ou à l'image
Depuis 2022, elle approfondit sa curiosité pour le sonore au Conservatoire Pierre - Barbizet de Marseille en composition électroacoustique.
Elle emprunte parfois le moniker Lull à travers une série de mixes
hybrides semis-narratifs et sa propre musiqueDepuis 2019 son travail est documenté par Documents d’artistes PACA
NOTES
Son travail est tissé de matières vivantes et vibrantes issues de la nature.
Sons et images montés, entrelacés ou collés, tirent vers le demi-sommeil où les formes gravitent en constellations elliptiques
A l’écoute de micro-évènements, de la transformation des sources et de nos environnements,
de vibrations en expériences vibratiles,
elle s’intéresse récemment plus particulièrement à révéler des phénomènes
presque imperceptibles,
aux éphémères,
aux distorsions et au delay,
à la latence,
aux images possibles,
aux porosités sensibles et réversibles,
et travaille à l’élaboration d’expériences
sonores et visuelles sensorielles
et discrètement immersives
CV
EXPOSITIONS
2023 TOPOGRAPHIES INTERIEURES, Librairie L’hydre aux mille têtes,
Festival Photo Marseille, Marseille
ZOEME SESSIONS 2, Librairie-Galerie Zoème, Festival Photo Marseille
ELECTROACOUSTIQUE A CANTINI! Musée Cantini, Marseille
2022 CATALYST AUDIO TRACKS 003, Catalyst Arts, Belfast
2021 SHADE NEW LIGHT avec Helena Gouveia Monteiro Hangar,
Centro de Investigação Artística, Hangar Online, Lisbon (DUO)
2020 HOMEWORK#6, "Dawn Chorus", invitation vidéo aux artistes
du fond Documents d'artistes PACA
2019 AUTRE RIVE La Vitrine Galerie Art-Cade, Marseille (SOLO)
2019 CATALYST AUDIO TRACKS 002, Catalyst Arts, Belfast
POLYCHROMIES, résidence UTOPIA, Les charpentiers de la Corse,
Ponte-Leccia, Haute-Corse
STEREOEDITIONS AT LIQUIDAMBAR, Coimbra
2018 AUTRE RIVE, lancement de l’édition, avec Owls Edition,
Salon Mise en pli 2, FRAC PACA
ASSIGNATION A RESIDENCE, Maison Ouverte, Bobigny
2017 BANDE PASSANTE, UTOPIA, Ponte-Leccia, Corse
JEUNE CRÉATION 67eme édition, Galerie Thaddaeus Ropac, Pantin
2016 STEREOEDITIONS & PROTOTYP GALLERY, Prague
OPEN HOUSE PRAHA, PRAM Studio, Prague
2015 ODYSSEE, exposition des diplômés 2015, Villa Arson & Galerie
de la Marine, Nice
AVANTS-GOUTS, Le Salon, Nice
2014 LE DOIGT DANS L’OEIL, Galerie Collective, Villa Arson, Nice
2011 EXHIBITIONS of the Studio of Photography, Gallery Rampa,
FUD UJEP, Usti Nad Labem
2010 BEYOND THE DREAMSCAPE, Objectiv Gallery, Prague
QUARTIER SENSIBLE, avec l’Université Paris 8, Espace Belleville, Paris
PROJECTIONS
L’Eclat (FR), Souvenirs from Earth & GREV (Online), Altered States (UK), Experiments in cinema (US), Anthology Film Archives (US), Another experiment by women (US), Montreal Underground Film Festival (CA), Images contre nature (FR), Bideodromo (ES), Cinesonika (US) MUFF Marseille Underground Film & Music Festival (FR) London Experimental Film Festival (EN) North Portland Unknown Film Festival (US) Fovéa 2 (FR) Strangloscope (BR) HÄXÄN Festival (US) Traverse video (FR) Nazcas Festival (BE) Festival des cinémas différents et expérimentaux de Paris (FR) OVNI Festival (FR), Videoaktion 3, Attaqueer le visible (GE) SCENOSMOSE, Coco Velten (FR) Cinémathèque de Toulouse, Traverse vidéo (FR)
PERFORMANCES / DIFFUSIONS
2024 Séance acousmodrome, rendez-vous intermédiaire avec le CPBM, Vidéodrome 2, Marseille
2023 LYL radio, mix à l’invitation de Johnny Hawaii (émission Hang on to your echo & Lull, épisode 13)
Festival Supersonique, Comptoir de la Victorine, Marseille
Concert de la classe d’electroacoustique du Conservatoire de Marseille, Séance acousmodrome, Videodrome 2, Marseille
2019 Concert avec Jean-Baptiste Bec, Benjamin Novarino-Giana et Cyrille Mellerio, Vernissage de l'exposition Polychromies, Résidence Utopia, Ponte-Leccia, Haute-Corse
2018 Fragment, Dj set et projection, Stereoeditions & Owl’s edition,
Salon Mise en pli 2, WAAW, Marseille
2016 Faded Fires, performance, HLM / Où, Marseille
Faded Fires display, Prototyp Gallery, Prague
EST SET 1 & 2, ciné-concerts, avec Helena Gouveia Monteiro,
PRAM Studio, Prague & Ne/Pokoj Bar, Usti Nad Labem
2015 POSTE-ARIEL, ciné-concert, avec Helena Gouveia Monteiro, Vernissage de l’exposition Odyssée, Villa Arson, Nice
ARIEL, performance avec HelenaGouveia Monteiro, Villa Arson, Nice
2014 Concert de L’OIN (l’Orchestre Inharmonique de Nice) avec
Lee Ranaldo, Villa Arson, Nice
PRIX, BOURSES, RÉSIDENCES
PRIX, BOURSES, RÉSIDENCES
2023 Aide à l’installation et à l’acquisition de matériel DRAC PACA
Espace de résidence et de recherche créative, Levie, Corse du Sud
2020 Secours exceptionnel du CNAP
2019 Finaliste du Prix Talents Contemporains 8e Edition, Fondation François Schneider, Wattwiller
2019 Résidence UTOPIA, Les Charpentiers de la Corse, Ponte-Leccia, Haute-Corse
2017 Résidence UTOPIA, Les Charpentiers de la Corse, Ponte-Leccia, Haute-Corse
2016 Résidence avec Helena Gouveia Monteiro (Stereoeditions & EST) PRAM Studio, Prague
PUBLICATIONS
PUBLICATIONS
2024 Neptune Journal 2 par Zelia Zinner & l’atelier du Palais, Arles
2021 « Moire vivante » un texte de Térésa Faucon, textes critiques du Réseau Documents d’Artistes
2019 Catalogue des Finalistes du prix Talents Contemporains 8e édition, Fondation François Schneider
2018 «Le battement d’aile d’un oiseau enfermé dans le cristal du souvenir» un texte de Clara Guislain
Issue #92 AT NIGHT, F-StopMagazine
2017 Catalogue de la 67e édition de Jeune Création, avec un texte de Laura Moulinoux
2016 Phases Magazine
The Latent Image
2015 Catalogue de l’exposition Odyssée, diplômés 2015, Villa Arson,
avec un texte de Benjamin Laugier
2012 Quatre dessins de la série « Volcano » Revue La Seiche n°3
TEXTES, EDITIONS D'ARTISTE
2023 «Two hours left of sun» édition CD et photographies, self-release
2020 « Daybrakes», édition CD et photographies, self-release
« Canape », édition collective en ligne, EST & Stereoeditions
2019 « Solstice », CD + fanzine photocopié, Stereoeditions
2018 « Autre Rive », fanzine photographies & cassette,
carte blanche de Owl’s edition
« FLUX*1 », anthologie sonore collective, Stereoeditions
2016 « Recuerdo de mi santuario », édition DVD, Stereoeditions
« Faded Fires », édition CD et photographies, Stereoeditions
2015, 2016, 2018 «OOO», édition de photographies, Stereoeditions
2015 « a certain desert », CD-R, self-release
« La maison percée », CD-R, self-release
« Two roads diverged in a yellow wood », CD-R, self-release
2014, 2015 « Des précipités véridiques de rêves », texte accompagnant l'installation de DNSEP, Villa Arson
« The Brink », texte de mémoire de DNSEP, Villa Arson
2011 « III Silences » livre-objet, avec la Faculty of Art&Design FUD UJEP
FOIRES, SALONS
2024 TRAFIC 2, FRAC SUD Marseille (Stereoeditions)
2023 TSUNDOKU ART BOOK FAIR, Dublin (Stereoeditions),
2022 ROLLING PAPER, LE BAL, Paris et PALAIS BOOK FAIR,
Arles (Owl's Edition) MISS READ, Berlin (Stereoeditions)
TRAFIC 1, FRAC SUD Marseille (Stereoeditions et Owl's edition)
2021 FANZINEIST VIENNA (Stereoeditions)
2021, 2020, 2019, 2017 DUBLIN ART BOOK FAIR (Stereoeditions)
2019 RUSH PHOTO BOOK, Friche Belle de Mai, Marseille
(Owl's Edition)
2019, 2018 HALFTONE, DUBLIN PRINT FAIR (Stereoeditions)
2018, 2016 SALON MISE EN PLI 1 & 2, FRAC PACA
(Stereoeditions & Owl’s edition)
2016 MULTIPLES, Morlaix, (Stereoeditions)
SALON DES ÉDITIONS INDÉPENDANTES, Lausanne (Stereoeditions)
COLLECTIF
Co-créatrice et membre du collectif STEREO EDITIONS
STEREO EDITIONS un collectif d’édition associant des artistes, des écrivains et des cinéastes de diverses sphères géographiques et intellectuelles, à travers la production et la distribution à petite échelle d’éditions limitées, de livres-objets, de films et de sons
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STEREO EDITIONS
COLLABORATIONS
2023 Musique originale du court métrage de Jérémy Piette «Le garçon qui
la nuit» (Ecce Films)
2022 Bande sonore pour la video de Kheshia Hadda «Captura»
2021 Bande sonore pour le film de Jérémy Piette «The Stills»
Bande sonore de l’installation video « Shade New Light » d’Helena Gouveia Monteiro
Création vidéo pour le titre « Isaac Way » de Denys and the Roses
2019 Bande sonore et montage du film de Marc Chevalier « F.E.U »
2018 Bande sonore de la vidéo de Jérémy Piette « Réponse au Chaos »
2016 Bande sonore du slideshow de Clara Chichin « Sous les yeux que quelques minutes épuisent »
2015 Bande sonore originale de la vidéo de Jérémy Piette «100 steps for one kiss»
2015, 2016, 2020 EST (performances et ciné-concerts) avec Helena Gouveia Monteiro
EDUCATION
2023 Workshop Phytography avec Karel Doing, Fabriques de l’écocinéma, AMU, Marseille
Workshop 16mm looping and performance Labo Largent Marseille
Depuis 2022 - Classe de composition électroacoustique Conservatoire Pierre Barbizet Marseille
2021 Atelier Super8 et eco-developpement avec Dagie Brundert, Festival Regard Indépendant, Nice
Masterclass Apichatpong Weerasethakul, FID, Marseille
2016 Atelier Incipit avec Mauricio Hernandez, Labo L’ETNA, Montreuil
2015 Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique, avec mention,
ENSA Villa Arson, Nice (MFA)
2013 Diplôme National d’Arts Plastiques, ENSA Villa Arson, Nice (BA)
2012 – 2015 Villa Arson
2012 Workshop à Oparensky Mlyn, avec Pavel Baňka et les étudiants de photographie de la Faculty of Art and Design (FUD UJEP)
2010 – 2011 Échange à la Faculty of Art and Design (FUD UJEP)
(Photography in english) Studios Zdena Kolečková & Pavel Baňka, Usti Nad Labem, CZ
2007 – 2012 Études universitaires en Littérature et Arts Visuels
Art Contemporain et Nouveaux médias, Paris
Baccalauréat général littéraire, Marseille
Des textes qui entourent et accompagnent le travail
en chronologie éparse
Issues de commandes, catalogues, expositions, amitié.es
Des liens permettent parfois d'accéder aux ensembles et
travaux plus dédié.es
Les autres ricochets et liens tissé.es circulent entre
les pages du site
Moire vivante
Térésa Faucon
texte critique du réseau Documents d’artistes
printemps 2021
Les gestes du montage traversent la pratique de Juliette Liautaud : coller, monter, faire apparaître/disparaître, converser, composer, disposer, juxtaposer, superposer. L’espace de présentation, qu’il soit virtuel ou d’exposition1, est aussi pensé comme une table de montage, c’est-à-dire comme « le support d’un travail toujours à reprendre, à modifier si ce n’est à recommencer2 », un plateau « à l’ouverture toujours reconduite de nouvelles possibilités, de nouvelles rencontres, de nouvelles multiplicités, de nouvelles configurations3 ». Différents médiums s’y agencent en ensembles : photographie, vidéo, film, texte, composition sonore. Chaque ensemble se déploie dans cet esprit de transmédialité qui joue de l’hybridation ou de la résonnance des fragments visuels, sonores et textuels les uns avec les autres dans un jeu de contrepoint. Différents formats et supports invitent aussi à découvrir des « zones interstitielles d’exploration, des intervalles heuristiques4 » sur la table, le sol, les murs ou encore la page virtuelle. Dans les films, les écarts se logent entre les couches d’images, dans la surimpression, ou entre les plans, dans les noirs devenus espaces de vibration des images comme des sons (Chaleur vacante (ou le soleil), 2019 La « politique de la relation ne rapporte pas ceci à cela, mais le tout au tout (…) et ainsi accomplit le divers.5 » La table de travail n’est pas une surface classificatoire, d’ailleurs les oeuvres elles-mêmes interrogent les catégories de pensée (nature, culture, urbain, sauvage, vivant, non vivant) en nous invitant à la pensée du tremblement qui « nous préserve des pensées de système et des systèmes de pensée6 ». Les formes témoignent directement de cette interrogation comme avec l’ambiguïté du noir-et-blanc et l’étrangement de l’obscurité de la caverne (Ensemble II, 2015) ou de la nuit (Kapr, 2014, Ensemble 1 (Hypnagogia), 2015) ou l’exploration de l’haptique, d’un oeil si proche de l’objet filmé qu’il semble le toucher (Dawn Chorus, 2020). Juliette Liautaud est aussi à l’écoute de l’indécision des apparitions, devant la fugitivité des formes (sous le faisceau des phares d’une voiture, d’une lampe de poche, d’un gyrophare, d’un flash7) ou dans le fondu d’une image superposée à une autre, forme intensive de l’alternance du montage. Bien sûr l’hybridité de la matière imageante participe à ce tremblement dans la représentation : les qualités de l’argentique et du numérique se conjuguent comme, pour Recuerdo de mi santuario (2015) et Sunshade (2018), l’entrelacement entre les fragments d’un film super 8 et la vidéo. De ce tissu complexe naissent des images vibrantes, des effets d’ondulation, de chatoiement, de moire. L’effet est très prégnant dans le scintillement de Sunshade avec la présence d’une trame verticale ou horizontale (des planches de palissades par exemple) ou de série de motifs triangulaires intégrés aux superpositions de plans en plongée sur des reflets d’eau et en contre-plongée vers le ciel filtré par les feuillages. Cette palpitation des images rejouent celle de la canopée mais ne s’agit-il pas aussi de « faire des choses qui […] aient une présence vivante8» ? comme le disait Paul Sharits. Les effets de flicker9 renvoient bien sûr au tremblement de nos paupières mais peuvent aussi naître d’une autre cadence organique, comme dans Dawn Chorus, la marche avec une caméra portée le long du corps filant devant la végétation, captant leur dessins fugitifs, entre prise et déprise. La métaphore de la vision est encore présente dans l’effet de voile (comme dans certaines photographies de l’ensemble Prélude) qui rappelle l’osmose de l’artiste observateur avec le milieu comme le notait Jonathan Crary : au voile naturel, à la neige, au brouillard, aux vapeurs et aux nuages, répond le voile de l’oeil. Il ajoutait que la « perception est un acte éminemment temporel et cinétique (…) La vision est toujours multiple, elle jouxte et chevauche d’autres objets, d’autres désirs, d’autres vecteurs.10 » Dans les ensembles de Juliette Liautaud, la vision partagée
(la sienne et la nôtre) s’abandonne au temps, à la fluidité, l’impermanence, la moire du réel.
1. Déjà avec Des précipités de rêves (2015), J. Liautaud disposait ses oeuvres sur une longue table et sur les murs. Sur son site ou dans l’espace qui lui est consacré dans Documents d’artistes, on retrouve le même principe de disposition.
2. Georges Didi-Huberman, Atlas ou le gai savoir inquiet. L’oeil de l’histoire, 3, Minuit, Paris, 2011, p. 22.
3. Gilles Deleuze et Felix Guattari, Mille Plateaux, Capitalisme et Schizophrénie 2, Minuit, Paris, 1980, p. 20
4. G. Didi-Huberman, op. cit., p. 14.
5. Edouard Glissant, Traité du Tout-monde, Gallimard, Paris, 1997, p. 37.
6. E. Glissant, Poétique de la relation, Gallimard, Paris, 1990, p. 12.
7. Films, vidéos et photographies de Kapr, Prelude, Sunshade, Dawn Chorus, Ensemble II.
8. « Jean-Claude Lebensztejn et Paul Sharits, entretien » [1995], in Y. Beauvais (dir.), Paul Sharits, Les Presses du réel, Dijon, 2008, p. 89.
9. Leflicker est souvent défini par le clignotement d’un montage photogrammatique.
10. Jonathan Crary, L’Art de l’observateur. Vision et modernité au XIXème siècle, (1990), trad. fr. F. Maurin, Editions Jacqueline Chambon, Nîmes, 1994, p. 45.
Avec Prelude réalisé en super 8 noir et blanc, Juliette Liautaud propose un film autour d’un lac et ses berges(...)
Avec Prelude réalisé en super 8 noir et blanc, Juliette Liautaud propose un film autour d’un lac et ses berges.
Le film défie les limites de l’abstraction et de la figuration et joue avec les reflets de la lumière, ou celle, artificielle,
d’un gyrophare sur la surface acqueuse. Les images apparaissent aux spectateurs comme des sursauts de rêve,
de souvenirs ou des flashs lumineux qui laissent leur trace blanche sur la rétine. Le montage, qui respecte
la durée d’une bobine super 8 de trois minutes, s’alterne et se répète au gré de décomposition et de répétition
de certains photogrammes, les tâches sur une plante deviennent une pluie lumineuse.
Une bande sonore composée à partir de sons directs et d’une mélodie juée au piano accompagne les prises de vues.
L’eau, sujet phare et omniprésent dans ce film, rapelle aussi les bains de développement cinématographiques
qui servent à révéler l’oeuvre.
Catalogue des finalistes de la 8eme édition de Talents Contemporains
Fondation François Schneider
printemps 2019↝ PRELUDE
le battement d’aile d’un oiseau enfermé dans le cristal du souvenir, ou peut-être plutôt une vive,
ce poisson électrique (...)Clara Guislain
printemps 2018
« Remarquez-vous comme la glycine pressurée par le soleil
sur le mur ici près distille son parfum et pénètre dans cette
chambre comme libérée des entraves de la lumière, par une
mystérieuse et abrasive progression, de grain à grain, des
innombrables éléments de l’ombre ? Telle est la substance
du souvenir ».
W. Faulkner, Absalon, Absalon !
A travers une approche expérimentale de techniques d’enregistrement visuel et acoustique (photo, film, vidéo, son) la recherche
de Juliette Liautaud développe une réflexion sur les rapport entre perception et voyance, leurs points de frayages, de contacts possibles. Au moyen d’une technologie rudimentaire, elle emprunte aux protocoles empiriques son souci de l’observation de terrain et une méthode de prélèvement de « données », pour la plupart issues de milieux naturels. A partir de ces fragments de matériaux bruts, de ces sédiments « pré-imagés », elle procède à différents exercices de révélation, de composition, de superposition, de montage. Chaque opération reste lisible, visiblement artisanale et anti-narrative. Telles des constellations elliptiques, ses compositions filmiques, ses photographies argentiques et ses collages sonores, forment alors un réseau d’images enchevêtrées, dispersant leurs échos les unes dans les autres, comme si finalement elles n’étaient que la variation d’un même motif absent (peut-être des figures de l’absentement lui-même ?.)
Au nombre de ses « objets d’études », on retrouve par exemple la récurrence de la plante verte et ses diverses espèces – cactus, lierre, plante d’intérieure, végétation de friche, herbes folles de sous bois, arbuste en hivernation. Génératrice d’oxygène comme d’une potentielle asphyxie due à sa capacité de prolifération silencieuse ; à la fois force d’inertie et de régénération lente, ce motif évoque d’abord un point de fixation « immémorial », en même temps qu’il traduit l’état végétatif du temps lui-même, un sur-place inquiet du quotidien, l’usure de l’ordinaire.
Car l’univers de Juliette Liautaud est bien un univers de patiente, d’attente liée aux inventions que le désoeuvrement du temps recèle et aux épiphanies de la « mémoire involontaire ». S’y décèle une relation intime aux archaïsmes de la photographie et du film, saisis en tant que processus organiques et indiciels d’empreinte et analogues mnémoniques. La fascination pour les forces sommeillantes de la nature, sa temporalité décantée, et son anarchie sourde, se confronte sans cesse aux processus de formation de l’image dans sa double opération de suspension et d’apparition. Si ses images rappellent parfois des états de conscience immergés, et « absorbés », elles cherchent surtout à donner à éprouver la matérialité d’un point d’adhérence contemplatif, qui agit, comme l’appareil d’enregistrement, comme barrière et ouverture.
Les films abordent ainsi continuellement de la question des seuils, des frontières entre une conscience intériorisée et vision objectivée. Le fantastique qui y rode, sans jamais se manifester, enserre parfois l’image.
Insomnie et « grand sommeil » sont alors peut-être les deux faces d’une même physiologie ici sous-tendue par cette écologie de l’image, qui nous porte et nous tient à la lisière, dans un moment de concentration intense, à mesure qu’une charge spectrale semble déborder l’objectivité du réel. Mais le naturalisme, ici mis en oeuvre comme thème et méthode, cherche ici à délivrer la force allégorique attribuée à la nature pour la retrouver hors de son idéalité. A ce titre, une impressionnante photographie argentique grand format d’une grotte, reproduit cet effet de seuil entre niveaux de réalité, nous maintenant à distance de son trou noir, elle reste un sujet «d’observation » autant qu’un point d’aspiration du visible tenu à distance.
Dans ce même registre, les déambulations nocturnes de la machine analogique évoquent de manière persistante des phénomènes de perceptions animalières, la chauve-souris, le cerf, une forêt de songe miroitant dans l’oeil infra-rouge d’un marécage, peut-être de cette grotte évoquée plus haut et de ses habitants. Ces images-perceptions s’étendent depuis un point d’observation, qui est à la fois membrane, passage, et initiation : tel le road trip en voiture, motif d’un déplacement « appareillé » et linéaire parfois convoqué dans les films, le mouvement vaut pour lui même, dans une sorte d’auto-affection, d’auto-engendrement.
Dans d’autres films, les effets de superposition d’images semblent parfois chercher à contourner la planéité du support pour reconstituer un volume par stratification, capturant et préservant un corps perceptif pur : le battement d’aile d’un oiseau enfermé dans le cristal du souvenir, ou peut-être plutôt une vive, ce poisson électrique capable, telle l’image-cristal deleuzienne, de « composer avec des morceaux d’espaces déconnectés ».
Finalement, l’oeuvre de Juliette Liautaud reste un travail d’agencement de portions d’ombre et de lumière, et en cela un art et une poétique de la mise au point. Ce n’est pas un oeil super-voyant qui se livre mais une infra-vision, cherchant à cerner les contours tremblants d’une situation au sein des choses, aux frontières de la dissipation de l’objet et de l’éveil de ses forces en dormance : Merleau Ponty appelle cela la « maturation d’une vision », et un « ajustement de la voyance ».
Agencements temporaires d’images fixes et en mouvement, fragments de réel (...)
Laura Moulinoux
été 2017
Agencements temporaires d’images fixes et en mouvement, fragments de réel qui ne sont ni histoire ni fiction, les compositions de Juliette Liautaud témoignent d’une expérience lyrique ayant souvent comme point de départ l’exploration volontaire ou la quête inattendue.
Une carpe dans une baignoire réduite à quelques écailles. En forêt, un ermite introuvable. La poursuite d’un film rare qui l’emmène vers son auteure. Assemblages lapidaires où la captation opère toujours aux frontières de l’invisible, les ensembles de photographies, les compositions sonores, les éditions et les vidéos cristallisent en un instant, fixé mais pas figé, un univers en fuite, des objets étranges et fantomatiques, aux cadrages décalés, et à la temporalité incertaine.
Catalogue de la 67e edition de Jeune Création
↝ PARTITION PRELUDE
La chimie et la lumière ne voulaient pas se mettre
d’accord et le vent la pluie et le
sommeil tournoyaient sans
cesse (...)
Helena Gouveia Monteiro
hiver 2015
« Un souvenir et re-souvenir, celui d’un lieu; un peu comme les petits objets que l’on ramène à la maison,
des bouts de lieu inutiles et sacrés, retrouvés dans une poche après une longue marche.
Juliette Liautaud a l’étrange pouvoir de nous faire retrouver ces bouts de chose, leur existence perdue
dans un déjà-vu troublant.
Ses films sont toujours le fruit d’un parcours sinueux ou tout aurait pu se perdre inéluctablement à chaque instant;
l’ermite dormait peut-être, la chimie et la lumière ne voulaient pas se mettre d’accord
et le vent, la pluie et le sommeil tournoyaient sans cesse.
Ils arrivent toujours au bout du chemin, là où personne n’attendait plus, transformés et chargés d’une intensité
vitale qui n’est ni sacrée ni souvenir mais une perception émerveillée face à l’usure du chemin. »
Un boîtier argentique, une caméra mini dv ou un simple
micro (...)
Benjamin
Laugier
été 2015
Juliette Liautaud développe un travail photographique et audiovisuel. Qu’il s’agisse d’un boîtier argentique, d’une caméra mini dv ou d’un simple micro, elle capture des fragments de réel et opère des subjectivations poétiques. Ses compositions d’images fixes ou en mouvements sont issues ou diffusées par des dispositifs techniques qui flirtent avec le suranné Elle saisit parfois l’image dans l’obscurité tout autant qu’elle la révèle à la chambre. Dans un autre registre d’enfermement de l’objet dans l’instant, ses cyanotypes sont, en plus d’être insolés, soumis à d’autres conditions météorologiques telles que la pluie ou le vent.
Thing Behind the Sun est une installation vidéo qui associe par superposition la projection d’une vidéo numérique en noir et blanc à un carrousel de diapositives couleurs : un jardin d’acclimatation sous un ensemble d’images de grottes et de plantes. Une « ritournelle » s’imprègne finalement comme une image rémanente. Pour Recuerdo de mi santuario, elle associe à nouveau un support ancien à une technique récente d’enregistrement de l‘image pour composer un film sonore tourné monté.
~
Merci aux auteur.es
Merci aux auteur.es